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Le patrimoine immatériel autour de la morue

Existe-t-il du patrimoine immatériel autour de la morue ? Cette question ne manque pas de resurgir lorsque l’on travaille sur le patrimoine de la morue dans son ensemble.

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En alimentant la vie socioéconomique des villes, en l’occurrence Aveiro (Portugal), Fécamp et Paimpol (France) entre autres, la pêche à la morue a permis de développer des activités industrielles connexes, en l’occurrence la construction des bateaux, l’extraction du sel, les activités liées à la conservation de la morue, au développement des ports, à la fabrication du matériel de pêche, ainsi que la cuisine qui nécessitent des compétences. Autour de la pêche se sont aussi développés de littérature comme le démontre Nichifor Mihaela (chanson, prière et autres), dont des symboles ont été conservés. Dans la dynamique qui a conduit à la patrimonialisation de l’héritage matériel de la morue, un intérêt s’est aussi porté vers des symboles de la mémoire immatérielle. De même, des formes immatérielles se sont développées pour célébrer ou du moins pour la mise en patrimoine des savoir-faire autour de la morue.  Dès lors, au titre de patrimoine immatériel de la morue, on peut distinguer des éléments commémoratifs et des éléments d’identité.

 

Des commémorations festives : entre fêtes et festivals de la morue

Dans beaucoup de villes européennes, des célébrations festives ce sont développées autour de la morue, sous formes clairement exprimées de fête de la morue (en France et en Italie) et de festival de la morue au Portugal.

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Dans plusieurs villes françaises, et notamment celles dont l’histoire socioéconomique s’enchevêtre avec la grande pêche, la fête de la morue a été créée et insérée dans le calendrier des célébrations populaires. Bègles, où cette fête a vu le jour en 1995, est un exemple particulier, qui fait de la morue, une partie intégrante de son patrimoine culturel, bien que n’étant principalement qu’un port de débarquement de la morue. Ici, les articulations de la célébration de la morue comprennent des dégustations de plats de morue, des ateliers, des expositions, des théâtres et des prestations musicales entre autres.

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Il convient de noter qu’au-delà de la fête de la morue qui se célèbre aussi à Binic notamment, la morue est également célébrée dans le cadre des carnavals de Granville et de Dunkerque. Par ailleurs, une autre célébration, plutôt religieuse que festive a été inscrite dans le calendrier des cérémonies populaires à Fécamp. Il s’agit de la Saint Pierre des marins ; une fête organisée par l’association des Terre-neuvas. A la base, la cérémonie de Saint-Pierre des marins marquait la grande messe/prière précédant la saison de pêche. Elle s’inscrit ainsi, de par sa nature, dans la droite ligne du rôle de la Chapelle Notre-Dame du Salut, considérée comme source de protection du marin face aux risques et dangers liés à la Grande pêche. Sa pérennisation a vocation à conserver un pan de la pêche à la morue à Fécamp. Elle est couplée d’activités d’ordre mémoriel. Ainsi, pour l’Edition 2016, l’association des Terre-neuvas a saisi l’occasion de sensibiliser le public et de le mobiliser, au moyen d’une collecte de fonds pour la construction d’une stèle en mémoire des Fécampois qui ont payé de leurs vies, l’aventure de la Grande pêche. Le programme de cette 18ème Edition prévoit également de connecter, à travers diverses activités, les villes environnantes comme Yport et Le Havre, avec une participation de la Chambre de commerce et des hommes politiques.

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En Italie, il existe une commémoration dite Festa del Baccalà, centrée sur les recettes de morue. En effet, si l’Italie ne s’est pas particulièrement démarquée par l’armement des navires de pêche, il reste que le pays figure au rang des marchés de prédilection de la morue.  Aussi cette dernière s’est-elle encrée dans les habitudes alimentaires au point de se constituer en élément central de l’art culinaire des localités comme Vicence. Fort de cet héritage, la Festa del Baccalà  est promue par une association dont la vocation est de marquer l’importance de la morue dans les habitudes alimentaires de la localité. Il s’agit de la Confraternità del Baccalà, association fondée en 1987 par Michele Benetazzo, à l’effet de défendre et de promouvoir la bonne cuisine locale à base de morue. En effet, cette association a œuvré à une sorte d’écriture et donc de codification des recettes de morue, certifiant des restaurants agréés et engagés à servir lesdits plats en permanence. C’est par exemple grâce à l’action de la Confraternità del Baccalà que le plat « Baccalà alla Vicentina » est reconnu comme faisant partie des cinq plats typiques italiens. L’association a également stimulé et encourager des recherches sur les recettes anciennes à base de morue, de même que la création des accompagnements typiquement adaptés aux recettes de morue, en l’occurrence des vins de qualités. En outre, en promouvant les Journées Italo-norvégiennes, l’Association a organisé des visites en Norvège les lieux-mémoire de la pêche, de la transformation et de la commercialisation de la morue.

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De même, plusieurs villes portugaises célèbrent presque de la même manière qu’en France et en Italie, ce qu’elles appellent affectueusement Festival do Bacalhau. Etalé souvent  sur plusieurs jours, ce festival se célèbre dans le cadre des Fêtes de la mer. L’une des Communes qui lui accordent une importance particulière est celle d’Ilhavo, notamment du grâce à la participation de deux associations, la Confraria Gastronómica do Bacalhau qui s’est donnée pour ambition, à l’image de la Confraternità del Baccalà en Italie, de promouvoir l’art culinaire autour de la morue et, l’Associaçao dos Industriais do Baccalhau, l’Association des Industriels de la morue. Pour l’édition 2008 par exemple, le Festival a connu la participation à Ilhavo de plus de deux cent mille personnes, autour d’activités diverses et pour tous les âges, comprenant naturellement la dégustation des plats de morue, des expositions, la projection des films en plein air et, des concerts de musique entre autres. Au cours de l’édition d’août 2013, la Mairie d’Ilhavo souligne que 28.500 plats de morue ont été servis, représentant plus de 10 tonnes de poisson.

 

INCLURE UNE IMAGE DU FESTIVAL DE LA MORUE

Source : Mairie d’Ilhavo, http://www.cm-ilhavo.pt, consulté le 12 décembre 2016.

  • La morue comme élément d’identité

De par son importance dans la vie socioéconomique et dans la construction de certaines villes, la morue a constitué un élément central d’identité.  Cela se vérifie par la création des académies de morue et la prégnance des symboles de poisson dans la décoration de certaines villes comme Aveiro.

Les Académies de morue est une expression qui désigne les Assemblées d’associations culturelles basées sur le renforcement et la préservation des liens de fraternité entre les Portugais de par le monde, ainsi que la promotion d’une identité singulière portugaise. Elles ont comme objectifs :

  • d’encourager et développer les relations d'amitié, de coopération et de fraternité entre les Portugais, quel que soit leur statut social et le degré de la culture de chacun;

  • de favoriser des relations de convivialité et d'amitié entre les différentes communautés portugaises et étrangères, notamment en vue de défendre le prestige et la réputation du Portugal et les Portugais ;

  • de servir de cadre au développement des initiatives qui contribuent à la diffusion de la culture et les valeurs traditionnelles portugaises et ;

  • d’œuvrer au développement de l'aide morale et matérielle aux personnes et aux organismes de bienfaisance les plus nécessiteux.

A l’évidence, aucun des objectifs ci-mentionné ne s’attache particulièrement à la morue, si ce n’est peut-être en l’englobant dans la culture et les valeurs traditionnelles portugaises. Pour comprendre le référant de l’appellation Académie des morues, il faut remonter aux origines mêmes de la création de ce réseau culturel. En effet, ces rencontres émergent du journaliste Portugais Manuel Dias qui, au cours d’un dîner en mars 1968, à l’hôtel Hilbrow de Johannesbourg, a voulu trouver un moyen de célébrer le Portugal, de rassembler les Portugais autour d’une identité et donc fierté nationale.  C’était dans un contexte où l’accession à l’indépendance des colonies portugaises emputait le pays de sa grandeur territoriale. Avec ses quatre Amis (José Eng Ataide, Ivo Monteiro, Rui Periçao et Marques Duval), Manuel Dias initie une association d’amis, portée vers la culture. Pour marquer le lien solide de fraternité qui devait caractériser le rapport entre les membres de l’association, elle a puisé dans l’histoire de son pays, pour choisir une dénomination ayant trait à la morue. Dans son imaginaire, la morue, élément important de la cuisine portugaise, est un symbole d’amitié et de fraternité. C’était aussi un élément d’identité dans la mesure où il était commun à tous les Portugais.

A cet aspect de l’identité du Portugal, il convient d’ajouter la centralisation de la décoration urbaine à Aveiro autour de la morue. Perçue selon Willem Frijhoff comme « le résultat d’un processus d’interaction entre, d’une part, la perception ou l’auto-perception de l’individu (du groupe, de la nation) et, d’autre part, sa réalisation dans l’espace et le temps », l’identité a constitué un élément important dans la construction urbaine en Europe de manière générale. Cela se traduit de diverses manières, n l’occurrence les noms de rues et des places publiques, conférant une mémoire à la ville.

 Pour ce qui est précisément de la ville d’Aveiro, sans entrer dans son historicité, une chose frappe facilement le visiteur. En effet, la ville est bondée d’éléments en relation avec l’eau, la pêche et le poisson. Ces éléments décorent les rues, des bâtiments, mais aussi des cours du canal, de même qu’ils servent de monuments intentionnels par endroit.

Festival de la Morue

Source: Mairie d’Ilhavo, http://www.cm-ilhavo.pt

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